Amy Elefson

Stagiaire chez ACSM durant l'été 2012, Amy Elefson poursuit des études supérieures en santé publique à  l'Université de la Saskatchewan.

L’hydroxyanisole butylé, le méthylparaben, le polyéthylène glycol et le laureth sulfate de sodium ne sont que quelques-uns des ingrédients qui devaient être énumérés sur les produits cosmétiques vendus au Canada à compter de 2006. Cette exigence découlant du Règlement sur les cosmétiques, établi en vertu de la Loi sur les aliments et drogues, a été qualifiée de succès parce que les aliments étaient les seuls produits dont les consommateurs avaient le droit auparavant de connaître les ingrédients spécifiques.

Lorsque cette exigence est devenue obligatoire, les Canadiens ont été surpris d'apprendre que leurs produits cosmétiques contenaient des ingrédients nocifs. Bien que le gouvernement canadien ait modifié le Règlement sur les cosmétiques depuis, les nouvelles exigences continuent de laisser la population sans protection contre de nombreuses substances nocives parce que l'approche réglementaire est basée sur le risque. Cela signifie que l’utilisation d'un ingrédient n’est interdite ou restreinte que lorsqu'il y a suffisamment de preuves démontrant qu'il est nuisible. En outre, en raison de lacunes dans le Règlement sur les cosmétiques, la présence de certains ingrédients, tant intentionnelle que non intentionnelle (impuretés), n’a pas à être signalée sur les produits cosmétiques.

Vous avez peut-être déjà entendu dire que le gouvernement canadien devrait s’inspirer des règlements de l'Union européenne (UE). Mais savez-vous pourquoi ces règlements sont cités exemple? Tout d'abord, l'UE fonde sa réglementation en matière de cosmétiques sur le principe de précaution, ce qui signifie que si un ingrédient cosmétique a le potentiel de causer des dommages, l'UE a décidé qu'il était préférable de ne pas en permettre l’utilisation. La preuve de l'efficacité du principe de précaution est évidente si l’on en juge par les chiffres suivants : l'Union européenne interdit ou restreint l’utilisation de 1 715 ingrédients comparativement à seulement 573 au Canada.

Les ingrédients dont l’usage est interdit ou restreint dans les cosmétiques vendus au Canada se trouvent sur la « Liste critique des ingrédients dont l’utilisation est restreinte ou interdite dans les cosmétiques ». La « Liste critique » s'applique uniquement aux ingrédients utilisés intentionnellement. Et même si un ingrédient est placé sur la « Liste critique », le gouvernement canadien n'a pas le pouvoir de faire respecter l'interdiction ou la limitation de cet ingrédient; sans pouvoir de mise en application, la « Liste critique » est sans effet. En revanche, dans chaque État membre de l'UE, une autorité désignée est responsable de l'application des règlements.

En vertu des règlements sur les cosmétiques de l'UE, il existe des listes séparées pour les ingrédients dont l’utilisation est restreinte, et pour ceux qui sont interdits. L'UE a également des listes d'ingrédients approuvés pour tous les colorants, agents conservateurs et filtres ultraviolets qui sont autorisés dans les cosmétiques selon certaines conditions. Pour qu’un ingrédient donné soit inscrit sur une liste d’ingrédients approuvés, son niveau de risque doit être déterminé par une évaluation scientifique.

Autre différence importante entre les règlements canadiens et ceux de l'UE : au Canada, aucun organisme n’est chargé de l’évaluation des ingrédients pour la « Liste critique » alors qu'en UE, l'évaluation de la sécurité des ingrédients des cosmétiques est si complexe qu'elle relève de deux systèmes. D’une part, le Comité scientifique pour la sécurité des consommateurs (CSSC) est responsable de l'évaluation de la sécurité des ingrédients des cosmétiques qui figurent sur les listes d’ingrédients dont l’utilisation est interdite, restreinte et approuvée. D’autre part, des « évaluateurs de sécurité compétents » procèdent à l'évaluation des ingrédients pour le compte des fabricants de cosmétiques. Enfin, même s’il y a évaluation par des évaluateurs compétents, les entreprises assument l’entière responsabilité de la sécurité de leurs produits.

Comme nous l’avons déjà mentionné, des lacunes dans le règlement canadien permettent l'inclusion intentionnelle et non intentionnelle de certains ingrédients. Une de ces failles est que le mot « parfum » ou « saveur » peut figurer sur la liste des ingrédients si le parfum ou la saveur a été utilisé afin de produire ou de masquer une odeur particulière; il s’agit d’une échappatoire, car seule une liste partielle des ingrédients est alors fournie. Une autre faille découle du fait que les entreprises ne sont pas tenues de déclarer les impuretés ou les sous-produits, tels que le plomb ou le formaldéhyde ainsi que de nombreux autres produits considérés comme dangereux.

Selon la réglementation européenne, le mot « parfum » peut également être utilisé pour englober les nombreux ingrédients utilisés pour créer ou masquer une odeur, mais une réglementation plus stricte s’applique aux ingrédients considérés comme allergènes. Grâce à ces règlements plus stricts, les consommateurs sensibles aux parfums peuvent donc être informés et choisir les produits qui conviennent le mieux à leurs besoins. De plus, les ingrédients contenant des impuretés doivent figurer sur les étiquettes et la concentration des impuretés doit être indiquée. Enfin, lorsqu’ils vendent des ingrédients contenant des impuretés à des entreprises du domaine des cosmétiques, les distributeurs doivent s'assurer qu'ils respectent le niveau indiqué sur l'étiquette.

Bien qu'aucun système de réglementation ne soit parfait, le Règlement canadien sur les cosmétiques pourrait être renforcé par l'application du principe de précaution, ce qui augmenterait considérablement la sécurité des produits cosmétiques vendus sur le marché canadien.

1. Gue L. What’s inside? that counts: a survey of toxic ingredients in our cosmetics [en ligne]. Vancouver (C.-B.), Fondation David Suzuki, 2010. https://davidsuzuki.org/wp-content/uploads/2017/10/REPORT-whats-inside-counts-survey-toxic-ingredients-cosmetics.pdf  (en anglais seulement) (16 juillet 2012)

2. Gouvernement du Canada.Directives sur les impuretés des métaux lourds contenues dans les cosmétiques [en ligne], 2012.
http://www.hc-sc.gc.ca/cps-spc/pubs/indust/heavy_metals-metaux_lourds/index-fra.php (10 août 2012)

3. Comités scientifiques pour la sécurité des consommateurs. The SCCS’s notes of guidance for testing of cosmetic ingredients and their safety evaluation: 7th revision [en ligne]. Commission européenne, 2010.
http://ec.europa.eu/health/scientific_committees/consumer_safety/docs/sccs_s_004.pdf(en anglais seulement)

4. Europe.Produits cosmétiques (jusqu’en 2013) [en ligne]. Législations des pays de l’UE – synthèse.
http://europa.eu/legislation_summaries/food_safety/animal_welfare/l21191_fr.htm (10 août 2012)

5. Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs, PSP. Liste critique des ingrédients dont l'utilisation est restreinte ou interdite dans les cosmétiques (« liste critique »)Santé Canada[en ligne], 2004.
http://www.hc-sc.gc.ca/cps-spc/cosmet-person/indust/hot-list-critique/index-fra.php (10 août 2012)

6. Fondation David Suzuki. Canada’s cosmetic regulations could use a make-over [en ligne]. Vancouver (C.-B.), Fondation David Suzuki. http://www.davidsuzuki.org/issues/health/science/toxics/canadas-cosmetic-regulations-could-use-a-make-over/(en anglais seulement) (16 juillet 2012)

7. Gouvernement du Canada. Règlement sur les cosmétiques [en ligne]. Ottawa (Ont.), ministère de la Justice, 2007.
http://laws-lois.justice.gc.ca/fra/reglements/C.R.C.%2C_ch._869/index.html (16 juillet 2012)

8. Environmental Defence Canada. Heavy metal hazard: the health risks of hidden heavy metals in face makeup [en ligne]. Toronto (Ont.), Environmental Defence Canada, mai 2011.
http://environmentaldefence.ca/sites/default/files/report_files/HeavyMetalHazard%20FINAL.pdf(en anglais seulement)