
Par Patricia Kearns
Nous sommes à la mi-octobre et cette période est celle de la gratitude et de l’expression de la reconnaissance.
Je suis reconnaissante pour tant de choses. La semaine dernière, j’ai eu ma mammographie annuelle et un rendez-vous avec ma chirurgienne mammaire. Cela fait maintenant 6 ans depuis ma lumpectomie, ou mastectomie partielle; une procédure qui a précédé des semaines de chimiothérapie et de radiothérapie, des traitements pour contrer la forme la plus commune du cancer du sein : le carcinome canalaire invasif.
La salle d’attente est pleine de femmes anxieuses de tout âge, vêtues de grandes jaquettes bleues. Je sors mon livre et m’installe pour une lecture de quelques chapitres. Certaines femmes ont le regard fixé sur leur téléphone cellulaire, d’autres visionnent des vidéos YouTube et seulement quelques-unes ont un regard fixe et vide… perdu dans leurs pensées. Cela me replonge dans le passé, lorsque j’étais à leur place. Impossible pour moi de faire quoi que ce soit sinon paniquer en dedans de moi. Je ne pouvais qu’attendre les résultats de la biopsie, attendre le verdict : est-ce un cancer ou non? Ou deux ans plus tard, voir si le traitement avait fonctionné.
J’attends que la technicienne en radiothérapie m’appelle pour ma mammographie quand je me souviens soudainement que j’ai oublié de prendre une Tylenol. Zut! C’était pourtant une astuce que mon infirmière pivot m’avait suggérée : “Prends ça avant de quitter la maison”.
La technicienne est amicale et oui, elle a déjà effectué des mammographies avant, mais… malgré cela, ça fait mal! Elle s’excuse quand je me mets à crier. Je n’ai jamais souffert en silence et j’ai, en même temps, une grande tolérance à la douleur. Sérieusement.
De retour dans la salle d’attente. Mes compagnes en jaquettes bleues et mon livre sont toujours là; des distractions fiables. Quelques minutes plus tard, j’entends mon nom. Suis-je la seule à détester être convoquée de nouveau par la technicienne pour des clichés supplémentaires parce que le radiologiste (le médecin qui lit et interprète les images pour la chirurgienne) a vu quelque chose qui demande de plus amples examens et agrandissements?
L’adorable technicienne m’invite à regarder mon mammogramme et attire mon attention sur des petits groupes de points blancs. “C’est probablement juste de la calcification,” dit-elle d’un ton jovial. Et elle ajoute : “Ça va faire plus mal que les fois précédentes car on a besoin de plus de compression …” Aïe!
Maintenant, l’attente est vraiment stressante; ce n’est pas facile pour moi d’effacer de ma mémoire les points blancs. Heureusement qu’il reste peu de temps avant que je rejoigne le bureau #3.
Ma nouvelle chirurgienne apparait. Elle a remplacé mon chirurgien adoré quand il a pris sa retraite l’an dernier, et je ne l’ai rencontrée qu’une seule fois. “Ta mammographie est bonne” - je soupire de soulagement. Souriante, elle tapote la table d’examen sur laquelle je dois m’installer. Elle examine mes seins et m’annonce “tu es parfaite.”
Je suis reconnaissante car je suis considérée NED or No Evidence of Disease en anglais (traduction libre – sans aucun signe de la maladie). Cela signifie que je suis en rémission, mais pas totalement guérie puisqu’il existe toujours des chances de récurrence. C’est la raison pour laquelle les docteurs qui traitent les patientes ayant un cancer du sein ne disent jamais que nous sommes guéries; et ce, plus spécifiquement quand il s’agit de tumeurs avec récepteurs œstrogéniques positifs, le plus commun, comme le mien, qui pourrait revenir des années plus tard.
Mais pour l’instant, je peux rentrer chez moi soulagée et je me sens chanceuse.
Je suis aussi reconnaissante de constater que la Course à la vie CIBC vient de terminer pour cette année. Depuis septembre dernier, je suis inondée d'annonces Facebook vendant des chaussettes roses, etc. Celles de la Société canadienne du cancer annonçant leur Course à la vie CIBC en se basant sur des récits de survivantes empreints de positivité et d’espoir m’enrageaient.
La course CIBC est l’évènement d’envergure de levée de fonds pour le cancer du sein au Canada. Cette année, des Canadiens et Canadiennes de bonne volonté ont amassé 9 millions de $ en participant. L’évènement est maintenant intimement lié à la Société canadienne du cancer (SCC). Quel pourcentage de cet argent ira aux recherches scientifiques faisant le lien entre les enjeux environnementaux et le cancer du sein? Très peu, je suppose… étant donné le peu d’intérêt du SCC quant aux enjeux environnementaux par le passé.
Il y a une contradiction troublante qui me dérange. Comment est-ce correct pour le SCC d’avoir la CIBC comme partenaire principal “visionnaire” quand la mission du SCC est d’améliorer et de sauver des vies? De récents rapports ont indiqué comment les 5 plus grandes banques canadiennes incluant CIBC, sont les plus grands contributeurs mondiaux aux industries de combustibles fossiles.
Comment une institution financière - CIBC – peut-elle s’insurger comme alliée pour contrer le cancer du sein alors qu’elle fait partie des plus coupables quand il s’agit de financer la crise climatique et de ce fait, la crise du cancer du sein?
Ce n’est plus un secret que les combustibles fossiles nous exposent à des produits chimiques nocifs tels que le benzène, l’hydrocarbure aromatique polycyclique, la dioxine, et les substances polyfluoroalkylées, tous ces éléments inclus dans la chaine de production des combustibles fossiles (de l’extraction à la production de produits plastiques). Tous sont impliqués dans le risque de cancer du sein.
Pour conclure, je témoigne toute ma reconnaissance à Action cancer du sein du Québec, qui relie le cancer du sein aux combustibles fossiles via ses analyses, et de ce fait construit un mouvement de personnes qui, ensemble, agissent pour le changement. Nous en avons besoin, et dès maintenant!